On en entend parler depuis son ouverture, en 2004,, mais on avait jamais testé, par crainte peut-être que l’expérience prenne le pas sur la qualité de la cuisine. Intriguée, on a fini par se décider à pénétrer dans la nuit noire de Dans le Noir ?, à deux pas de Beaubourg. On a mangé dans la pénombre, avec les doigts parce que personne ne pouvait nous juger, on a fait tomber quelques verres, et surtout on a fait totale confiance à notre serveur. Parce qu’avec un sens en moins, il faut bien l’avouer, on était un peu désemparée. Mais que vaut vraiment un dîner chez Dans le Noir ? On débriefe.
Ndlr : cet article a été écrit du point de vue d’une personne voyante. Evidemment, l’expérience sera différente pour une personne mal ou non voyante.
Dans le noir ?, une expérience sensorielle… différente
Ça commence donc à la queue leu-leu, guidé par votre serveur ou serveuse qui vous mène jusqu’à votre table. Le toucher est déjà là puisque chacun à la main sur l’épaule de celle ou celui qui le.la précède. Avouons-le, ça commençait mal pour nous, la vue en moins et tout va à vau-l’eau. On trébuche mais on finit par s’asseoir à une grande tablée conviviale. D’ailleurs, on s’en rend vite compte, sans les yeux, nos oreilles ont tendance à traîner dans la conversation des voisins. On se dit qu’on irait bien se laver les mains mais ça ira pour cette fois, on est assise et on y reste jusqu’à la fin du repas.
Et puis les plats du menu surprise commencent à arriver devant nous. On met les doigts (une tentation irrésistible): oui, l’assiette est bien là, signée par le chef Antoine Bouaziz. C’est bon, ça on en est sûre, mais il faut se rendre à l’évidence : on ne sait pas vraiment ce que c’est. Des moules, c’est certain. La texture est immédiatement reconnaissable. Mais à quoi est la sauce ? Aucune idée, pour le savoir, il faudra attendre la fin du repas et la révélation des mets sous nos yeux ébahis et notre mine clairement interloquée. Parce que si notre nez, nos doigts, nos papilles et même nos oreilles sont en éveil, on se rend bien compte qu’on a beaucoup trop tendance à se reposer sur notre vue. L’occasion de changer les choses ? En tout cas, une belle invitation à réinventer notre rapport à la nourriture.
Un projet noble à l’origine
Outre l’expérience totalement immersive, on a tendance à oublier que Dans le Noir ? est d’abord un beau projet. Celui d’employer des personnes mal voyantes et non voyantes et de faire de leur handicap un atout : évoluer avec aisance dans la pénombre totale quand les voyants sont complètement perdus. On est d’ailleurs franchement admirative.
Dans ses 11 restaurants disséminés sur trois continents (oui, le succès est bien là), Dans le Noir ? atteint le noble chiffre de 50% d’employés en situation de handicap lourd, mais travaillant en milieu ordinaire. Un modèle inclusif qui pourrait donner l’exemple. Chaque employée a d’ailleurs sa photo et son prénom qui trônent fièrement dans l’entrée du restaurant. Côté environnemental, on n’est pas mal non plus puisque la cuisine est issue d’ingrédients bio à 80%, les déchets biologiques sont recyclés depuis 2022 et les restaurants proposent un menu vegan. L’adresse parisienne est même partenaire fondatrice de la Ferme de l’Envol de Brétigny, dans l’Essonne, afin de produire à terme ses ingrédients à proximité dans un esprit de permaculture.
- Dans le Noir ?
- 51 rue Quincampoix, Paris 3e
- Ouvert tous les jours au dîner à partir de 19h30 (18h30 vendredi et samedi) ; le jeudi, le samedi et le dimanche au déjeuner à partir de 12h30
- Réservation fortement recommandée
- Menus 2 plats 43€ au déjeuner, 48€ au dîner ; 3 plats 50€ et 55€.
- Différentes formules possibles avec accords mets et vins, mets et champagne mets et cocktails